Pour illustrer nos propos, nous allons supposer qu'une entreprise a conclu un contrat avec un exportateur américain.
Ce dernier désirant être réglé en USD, cette entreprise contacte sa banque afin d'acquérir les devises (par exemple contre EUR) et régler son fournisseur.
Pour simplifier, on supposera ici que l'opération est une opération de change comptant et nous ne détaillerons que le « coté » USD de l'opération.
Nous raisonnerons comme si nous étions la banque du client A.
Après avoir conclu son opération commerciale, le client nous informe qu'il doit régler une certaine quantité de devises (ici de l'USD) et nous fournit les instructions de règlement.
Nous achetons les devises auprès d'une contrepartie et lui demandons de les verser chez notre correspondant.
Nous informons notre correspondant qu'il doit transférer les devises dans une autre banque en faveur de l'exportateur.
Dès réception des devises, la banque de l'exportateur crédite les devises au compte de son client.
Schématiquement, le cheminement est le suivant :
Ce cheminement est très théorique et peut avoir différentes variantes : le client A possède déjà les devises, nous disposons de devises dans la même banque que celle de l'exportateur, etc.
Une remarque s'impose : à aucun moment, les USD n'ont quitté les états-Unis.
Ils n'ont fait que transiter de compte bancaire en compte bancaire à l'intérieur du pays de la devise échangée.
On entend par correspondant l'établissement bancaire chargé du règlement dans une devise.
Une banque peut avoir plusieurs correspondants pour une même devise, par exemple pour différencier l'origine des virements.
Bien entendu des mouvements similaires (mais inversés) ont lieu pour la devise de contre-valeur.
Dans le paragraphe précédent, j'ai volontairement raisonné pour un règlement simple, par exemple sur ordre d'un client.
C'est bien sûr un cas qui arrive, mais très souvent, le règlement est lié à une opération de change.
Il peut dans ce cas y avoir un réel risque de livraison. Prenons un exemple :
Un établissement bancaire bien connu, la Banque A à Paris vient de conclure une opération avec un de ses confrères, la Banque B.
Il s'agit d'une opération de change comptant en USD contre JPY.
La Banque A a acheté l'USD. Nous sommes lundi, le règlement des devises doit être réalisé mercredi (J + 2 ouvré).
Les transactions sont entrées dans le système d'information des contreparties et les instructions de paiement sont envoyées au correspondant japonais de la Banque A pour le règlement en JPY ainsi qu'au correspondant New-Yorkais de la Banque B pour le règlement en USD.
Nous sommes toujours lundi, il est 16h00.
Ouf. Ca paraît compliqué mais relisez, il n'y a là rien que de très normal.
D'ailleurs, avec un schéma, voilà comment se déroule le règlement d'une opération de change :
Mardi, belle journée ensoleillée avec un vent de sud-sud-ouest sur la pointe Bretagne ... mais je m'égare.
Mercredi matin, les instructions de la Banque A sont exécutées et son compte en JPY est débité, le paiement en USD devant intervenir dans l'après-midi (heure de Paris) dès l'ouverture de New-York.
Or contre toute attente, la Banque B est déclarée en faillite.
Dès qu'il en a connaissance, le correspondant New-Yorkais bloque tous les paiements ordonnés par la Banque B.
La Banque A, et bien d'autres banques ne verront jamais leur argent.
Ouhaaaaaaaa, me direz-vous d'un air perplexe. Une banque qui fait faillite et ne peut pas honorer ses règlements ça existe pô.
Petit rappel historique :
Au début des années 1970, la Bankhauss Herstatt, bien que de taille modeste, était très active sur la marché des changes.
Située à Cologne, la banque Herstatt s'est vu retirer son agrément pour cause de faillite par les autorités allemandes le 26 juin 1974 à 15h30.
De nombreuse contreparties lui avaient déjà adressé des paiements (irrévocables) en DEM par l'intermédiaire du système de compensation allemand.
Ces contreparties attendaient des USD qui devaient être réglés un peu plus tard (il n'était que 10h30 au états-Unis) par le correspondant à New-York de la banque Herstatt.
Or, dès que ce correspondant apprit la fermeture de la banque, il gela tous les paiements.
Les contreparties perdirent donc instantanément les fonds qu'elles devaient recevoir.
Ceci entraîna un effet « boule de neige » car d'autres banques, qui n'étaient pas forcément impactées directement par la faillite de la banque Herstatt refusèrent d'ordonner des paiements sans avoir la garantie de recevoir la contre-valeur.
Ceci bien évidement provoqua une grave crise au sein du système de compensation utilisé à New-York.
Depuis, l'histoire s'est répétée : faillite du groupe Drexel Burnham Lambert en 1990, fermeture de la BCCI (Bank of Credit and Commerce International) en 1991, dégringolade de Baring Brother en 1995 ... (to be continued)
Ce risque est depuis appelé risque de principal ou risque « Herstatt ».
Par ailleurs il a montré l'existence de risque systémique (la défaillance d'un établissement entraîne la défaillance d'autres établissements) notamment du fait de l'internationalisation des échanges, des décalages horaires entre les différents systèmes de règlement, et des volumes considérables qui sont échangés.
Ceci a bien entendu poussé différentes autorités ainsi que les banques à chercher des solutions.
On peut citer le système CLS qui semble s'imposer comme un nouveau standard de compensation sur le marché des changes.
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